C’est une visite d’Etat éminemment importante pour les relations bilatérales entre la France et le Maroc, qui s’est achevée ce mercredi après trois jours d’un programme chargé à Rabat où le Président Emmanuel Macron et sa délégation "XXL" ont multiplié les échanges, les allocutions et les annonces d’accords et de contrats.
L’accueil qui leur a été réservé sur le tarmac de l’aéroport de Rabat par le roi Mohammed VI et la famille royale et le fait que le Président Français ait prononcé un discours solennel devant la Chambre des représentants, marque le caractère symbolique de ce voyage, qui intervient après trois années de brouille entre Paris et Rabat sur fond de crise des visas.
Si le programme était déjà dense sur le papier, il s’est avéré porteur de nombreux accords politiques et de signature de gros contrats entre la France, le Maroc et leurs opérateurs.
Dès leur arrivée sur le sol marocain, Emmanuel et Brigitte Macron ont été reçus par le roi du Maroc pour un entretien au cours duquel les relations bilatérales entre les deux pays ont été discutées. Cet échange a précédé une cérémonie de signature de 22 accords, présidée par Emmanuel Macron et Mohammed VI, en présence des ministres et membre des gouvernements des deux pays.
Sur le fond, parmi les accords les plus importants figurent notamment la fourniture, par le géant Alstom, de 12 rames de TGV (Train Grande Vitesse) à l’ONCF (Office national de chemins de fer), avec 6 en option. Un contrat d’assistance entre l’ONCF et Egis a également été signé tandis que Bercy et la compagnie ferroviaire marocaine ont signé une déclaration d’intention portant sur la coopération financière dans le secteur.
La société Safran et le Royaume du Maroc se sont, par ailleurs, accordés sur un contrat actant la mise en place d’un site de maintenance et de réparation de moteurs d’avions pour un montant qui avoisine les 130 millions d’euros.
Le géant Français TotalEnergies a, quant à lui, raflé la mise en décrochant le contrat pour la mise en route de l’offre marocaine de développement de l’hydrogène vert.
S’agissant d’accords portant sur le secteur public, l’AFD (Agence Française de Développement) et l’Agence nationale des ports ont signé une déclaration axée sur la transition verte des ports, l’amélioration des efforts sur le changement climatique, l’économie bleue et l’innovation y compris dans les provinces de Dakhla et Laâyoune, situées dans la région du Sahara occidental.
L’évolution de la position d’Emmanuel Macron sur la question du Sahara occidental a naturellement été l’un des moteurs de la nouvelle dynamique impulsée ces dernières semaines entre Rabat et Paris.
Alors qu’il a clairement soutenu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental dans une lettre adressée par ses soins au roi Mohammed VI l’été dernier, Emmanuel Macron a réitéré sa position à plusieurs reprises au cours de son voyage d’Etat.
« Je le réaffirme ici devant vous: Pour la France, le présent et l’avenir de ce territoire s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. L’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue et le plan d’autonomie de 2007 constitue la seule base pour parvenir à une solution politique juste durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies », a-t-il notamment déclaré mardi sous les applaudissements du Parlement marocain.
Considérant cette position comme « ancrée dans l’Histoire, respectueuse des réalités et prometteuse pour l’avenir », il assure que la France accompagnera le Maroc pour « la mettre en œuvre dans les instances internationales ».
Le chef de l’Etat a, par ailleurs, tenu à préciser que « cette position n’est hostile à personne » mais permet « d’ouvrir une nouvelle page avec tous ceux qui veulent agir dans un cadre de coopération régionale en Méditerranée, avec les pays voisins du Maroc et avec l’Union Européenne ».
De fait, « opérateurs et entreprises » françaises « accompagneront le développement de ces territoires au travers d’investissements, d’initiatives durables et solidaires, au bénéfice des populations locales », a-t-il détaillé.
Dans la foulée, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, annonçait en conférence de presse aux côtés de son homologue marocain Nasser Bourita que la carte du Maroc figurant sur le site internet du Quai d’Orsay a été actualisée pour inclure la région du Sahara occidental. Il indiquait par la suite que la France s’apprête à y « accroitre son action consulaire et culturelle en vue de la création d’une alliance française ».
Mercredi matin encore, et alors qu’il s’exprimait face à la communauté française du Maroc, Emmanuel Macron a réitéré son soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara et assuré que sa position était « intangible » en la matière et que la France s’engagera « diplomatiquement pour convaincre que la solution marocaine est la seule, au sein de l’Union Européenne, des Nations Unies ».
Il considère de fait que « cette solution permettra d’apporter davantage de paix et de sécurité au Sahara, au Sahel et dans toute la sous-région ».
À noter que le positionnement français avait immédiatement provoqué une nouvelle crise diplomatique entre Paris et Alger, qui a décidé de retirer, dans l'immédiat, son Ambassadeur en France.
Le Président Abdelmaddjid Tebboune a quant à lui reporté sa visite prévue en France à l’automne 2024, alors qu’elle avait déjà été décalée à deux reprises.
Le conflit entre le Maroc et le Front Polisario concernant la région du Sahara occidental dure depuis 1975 et a commencé après que l'occupation espagnole a mis fin à sa présence dans la région, avant de se transformer en une confrontation armée qui a duré jusqu'en 1991, et a pris fin avec la signature d'un accord de cessez-le-feu qui considérait Guerguerat, une zone démilitarisée.
Le Maroc insiste sur sa souveraineté sur la région du Sahara et propose depuis 2007, une autonomie étendue, tandis que le Front Polisario réclame un référendum en se basant sur la résolution 690 du Conseil de sécurité des Nations unies pour déterminer le sort de la région, position soutenue par l’Algérie, qui s'oppose à toute solution qui ne respecterait pas ce cadre, rejetant notamment le plan d'autonomie proposé par le Maroc sous sa souveraineté.
La souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental a, par ailleurs, été officiellement reconnue en 2020 par les Etats-Unis et en 2023 par l'Espagne.
Alors que les restrictions sur les visas a provoqué une crise entre la France et le Maroc en septembre 2021, suite à la décision de Paris de réduire de 50% les visas octroyés aux ressortissants marocains en représailles des difficultés à obtenir des laisser-passer consulaires nécessaires à l’exécution des OQTF (Obligations de quitter le territoire français), le sujet a fait l’objet d’un accord, sous l’impulsion des ministères français et marocains de l’Intérieur.
Mercredi soir en conférence de presse, Bruno Retailleau et son homologue Abdelouafi Laftit, faisaient savoir qu’ils s’étaient entendus pour « raccourcir les délais » en matière d’expulsions.
« Nous avons un cadre de travail que nous souhaitons approfondir, que ce soit en matière de retour, de lutte contre les filières ou de surveillance des frontières terrestres et maritimes. Sur la question des réadmissions de ressortissants marocains en situation irrégulière, nous avons un cadre et des procédures avec des délais et des éléments d'identification pour les personnes dont l'origine n'est pas documentée. Nous sommes convenus de les améliorer pour raccourcir les délais et pour mieux faire en termes de nombre de personnes réadmises », a déclaré Bruno Retailleau.
Il précisait à ce propos être convenu avec son homologue marocain, d'effectuer « des points d'étape réguliers » sur ce sujet épineux, à l'origine de nombreuses crispations entre la France et les pays du Maghreb.
« Sur la surveillance des frontières, nos deux pays font face à des pressions migratoires fortes et à la responsabilité de surveiller des frontières terrestres, maritimes, stratégiques, ce qui ouvre un potentiel important d'échanges d'expérience et de bonnes pratiques », a-t-il poursuivi avant d'indiquer avoir posé, avec le Maroc, « un cadre de travail » et « une feuille de route franco-marocaine pour fixer des objectifs et des méthodes sur l'ensemble des enjeux d'intérêts communs ».
Bruno Retailleau a enfin fait savoir qu'il était prêt à se rendre au Maroc « autant que nécessaire pour poursuivre ces échanges dans la confiance et la transparence ».
Alors que cette visite d’Emmanuel Macron et d’une délégation particulièrement imposante s’est achevée ce mercredi, le chef de l’Etat a invité le roi du Maroc Mohammed VI à effectuer une visite en France, que ce dernier a acceptée et qui devrait, selon le Quai d’Orsay, intervenir à l’automne 2025.
Ces échanges marquent, selon le Président de la République, la volonté de « renouveler un partenariat d’exception » entre « deux pays amis ».