Au moins trois avions d’attaque de l’armée malienne ont survolé, hier mercredi 5 avril, différentes positions de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dans les régions de Tombouctou et Kidal. C’est dans cette dernière localité considérée comme le fief de l’ex-rébellion, que l’un des aéronefs en action a été pris pour cible par des tirs à l’arme automatique à longue portée.
Aucune victime encore moins de dégât matériel ne sont à déplorer, même si la tension entre parties signataires de l’Accord de paix de 2015 est montée d’un cran.
Les positions des ex-rebelles qui ont fait l’objet de survol de la part des avions d’attaque de l’armée malienne, sont Ber (Tombouctou), Anafis, Amassine et Kidal (Kidal). Parmi les trois aéronefs entrés en action au cours de cette opération figurent deux Albatros et un Sukhoï SU-25. Ces avions n’ont effectué aucune frappe, bien que, lors de leur entrée dans l’espace aérien de Kidal, ils aient été ciblés par des tirs à l’arme automatique à longue portée. Ce qui pouvait être considéré comme une déclaration de guerre.
Pour l’instant, il n’y a eu aucun communiqué officiel évoquant les raisons de cette opération, même si l’armée malienne a récemment affirmé qu’« aucune opération néfaste ne sera entreprise à l’égard de Kidal ». Coupant ainsi court aux rumeurs qui se sont répandues comme une traînée de poudre sur la toile faisant état de l’imminence d’une opération militaire de reconquête de Kidal, toujours sous le contrôle des ex-rebelles de la CMA. Cela, en dépit de la présence de quelques symboles de l’Etat comme le gouverneur de la huitième région et d’autres responsables de l’administration. Réagissant au survol de ses positions, les ex-rebelles ont indiqué dans un communiqué que cette situation intervient« en pleine période des tensions liées au blocage du processus de paix ». Pour eux, il s’agit d’ « une violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale garante des arrangements sécuritaires et de l’Accord pour la paix ». Avant d’affirmer qu’ils déclinaient « toutes responsabilités et conséquences issues de tels agissements ».
De son côté, la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali, MINUSMA, a exprimé sa préoccupation quant à « la montée des tensions entre parties signataires ». Avant de les appeler à faire « preuve de la plus grande retenue afin de faciliter les efforts en cours visant à relancer le processus de mise en œuvre de l’Accord de paix ».
Une action pour dissuader la célébration « au 6 avril »
Certes, les vrais raisons de cette manœuvre militaire de l’armée malienne n’ont pas été révélées toutefois, elle est intervenue à la veille de la célébration du « 11e anniversaire de la déclaration de l’indépendance de l’Azawad, proclamée le 6 avril 2012 » alors que certaines régions septentrionales du Mali étaient sous le contrôle des ex-rebelles qui ont été par la suite supplantés par les terroristes. C’est la raison pour laquelle certains ont pensé à une action pour dissuader la célébration de cette date dans certaines localités du pays. D’après plusieurs sources et images reçues, ces célébrations ont eu lieu dans certains endroits, même si ce n’est pas avec la ferveur d’antan.
Aussi, cette manœuvre survient au moment où la mise en œuvre de l’Accord de paix signé en 2015 est quasiment à l’arrêt depuis plusieurs mois. D’ailleurs, on se souvient qu’en réaction à la décision, prise en décembre dernier par plusieurs mouvements signataires, de suspendre leur participation au sein des différents organes de l’Accord, le gouvernement avait suspendu les indemnités qui leur étaient accordées dans ce cadre depuis le début de l’année. A cette situation s’ajoutent aussi les déclarations récentes de certaines voix se disant proches des autorités actuelles demandant l’abandon de l’Accord et une action militaire pour libérer des localités du territoire encore sous le contrôle des ex-rebelles.
Des acquis à préserver
Pourtant, il existe encore des ressorts susceptibles de favoriser un retour à la table du dialogue. Le gouvernement actuel compte trois ministres (Sports, Commerce et Sécurité alimentaire) issus des rangs des ex-rebelles. C’est le même cas pour le Conseil National de Transition (CNT) organe législatif qui enregistre également la présence en son sein d’ex-rebelles. Ces derniers n’ont pas été concernés par la suspension des indemnités et autres restrictions imposées par les autorités maliennes. C’est même la première fois, depuis la signature de l’Accord en 2015, que des représentants officiellement désignés par des mouvements armés accèdent à ces fonctions. Sans compter le fait que dès leur arrivée, en août 2020, les autorités de la Transition ont affirmé « faire de l’Accord une priorité ». C’est la raison pour laquelle elles ont même pris l’engagement de « parachever la mise en œuvre des grands axes de cet Accord » avant la fin de cette période, prévue en mars 2024. Cependant, à cette allure, cet objectif sera difficile à atteindre.
Cependant, avec cette nouvelle escalade, il faut craindre une reprise des hostilités et la fin de toute initiative visant à relancer le processus de paix.