Le gouvernement burkinabè a annoncé l’arrestation de huit personnes, dont quatre ressortissants étrangers, soupçonnées d’espionnage et de trahison au profit de puissances étrangères. Selon les autorités, le réseau aurait été dirigé par l’ONG International NGO Safety Organisation (INSO), une structure basée à La Haye (Pays-Bas), officiellement spécialisée dans la sécurité des acteurs humanitaires.
Lors d’une conférence de presse à Ouagadougou, le ministre de la Sécurité, Mahamadou Sana, a révélé que l’organisation, présente au Burkina Faso depuis 2019, aurait mis en place un dispositif clandestin de collecte d’informations sensibles sur les forces de défense et de sécurité (FDS), les convois logistiques et les zones d’opérations militaires. Ces données auraient ensuite été transmises à des partenaires étrangers non identifiés.
« Cette ONG se livrait à une collecte systématique d’informations militaires et administratives sur notre territoire, sous couvert d’activités humanitaires », a déclaré le ministre, dénonçant une « atteinte grave à la souveraineté nationale ».
Une enquête de longue haleine
Les services de renseignement burkinabè affirment avoir suivi les activités de l’ONG depuis janvier 2025, après avoir constaté des incohérences entre ses missions déclarées et certaines pratiques observées sur le terrain.
Les investigations ont révélé l’existence d’un réseau de correspondants locaux actifs dans plusieurs régions, notamment dans le Sahel, le Centre-Nord, l’Est et la Boucle du Mouhoun. Ces relais auraient transmis, de manière discrète, des informations détaillées sur les opérations militaires, les mouvements de groupes armés, mais aussi sur des aspects de la vie politique et administrative locale.
Selon les autorités, ces pratiques violaient les termes de la convention d’établissement signée entre l’État et l’ONG lors de son implantation en 2019.
Des rémunérations jugées “suspectes”
Le ministre Sana a par ailleurs pointé du doigt une politique salariale jugée disproportionnée au sein de l’organisation, estimant qu’elle visait à « acheter des consciences ».
Le directeur pays, Jean-Christophe Émile Pegon (Français), et sa directrice adjointe Aminata Marianne Guissé (Franco-Sénégalaise), auraient perçu respectivement 3,5 millions de FCFA par mois, tandis que d’autres cadres touchaient jusqu’à 2,4 millions. Même les agents d’entretien et chauffeurs bénéficiaient de salaires bien supérieurs à la moyenne nationale.
« Ces rémunérations avaient pour but de convaincre certains Burkinabè de collaborer avec des intérêts étrangers au détriment de leur propre pays », a estimé le ministre.
Des arrestations aux répercussions internationales
Au total, huit membres de l’ONG ont été arrêtés : trois Européens, un Malien et quatre Burkinabè.
Les personnes interpellées, parmi lesquelles figurent le directeur pays, son adjointe et le responsable des programmes, Thomas Muzik (de nationalité tchèque), doivent être déférées devant le procureur du Faso pour espionnage et trahison, conformément à l’article 311-4 du code pénal.
Malgré la suspension officielle d’INSO le 31 juillet dernier, le gouvernement accuse certains responsables d’avoir poursuivi leurs activités clandestinement, en organisant des réunions secrètes à Ouagadougou et à distance via des plateformes en ligne. Le directeur général adjoint de l’organisation se serait même rendu dans la capitale le 8 septembre, en violation des mesures en vigueur.
Appel à la vigilance nationale
Face à cette affaire qualifiée de « menace directe à la souveraineté nationale », les autorités appellent les citoyens à la prudence et à la coopération.
« Aucun montant d’argent ne doit justifier la trahison. Nous invitons chaque Burkinabè à signaler toute activité suspecte et à défendre l’intégrité du pays », a martelé Mahamadou Sana.
Le ministre a précisé que cette opération s’inscrivait dans une stratégie nationale de lutte contre les ingérences étrangères et le financement occulte du terrorisme, deux fléaux que le Burkina Faso entend combattre avec fermeté.
Une affaire aux ramifications régionales
Les autorités affirment que le réseau démantelé aurait également étendu ses activités au Mali, utilisant le territoire burkinabè comme base logistique régionale.
Des faits similaires auraient été rapportés au Niger, où INSO a déjà perdu son autorisation d’exercer en novembre 2024.
Ce dossier illustre, selon plusieurs observateurs, la guerre d’influence silencieuse que se livrent diverses puissances étrangères dans la région sahélienne, souvent à travers des structures opérant sous des bannières humanitaires.
« L’État burkinabè ne tolérera plus aucune organisation, quelle que soit sa couverture, qui se livre à des activités contraires à nos intérêts nationaux », a conclu le ministre Sana.