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Mauritanie : un an après la réélection de Ghazouani, tensions persistantes et dialogue incertain

Une année après la présidentielle du 29 juin 2024, la crise post-électorale reste vive et l’opposant Biram Dah Abeid se tient à l’écart du dialogue national en préparation.

Ce 4 juillet 2025 marque un an jour pour jour depuis la validation officielle de la réélection de Mohamed Ould Ghazouani à la tête de la République islamique de Mauritanie. Crédité de 56,12 % des voix dès le premier tour, le président entamait alors son second mandat, prévu pour cinq ans.

Une victoire contestée dès l’origine

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait annoncé les résultats le 1er juillet 2024, immédiatement validés par le Conseil constitutionnel. Mais dès les jours suivant le vote du 29 juin, des manifestations éclatent à travers le pays, nourries par une rumeur de victoire du principal opposant, Biram Dah Abeid, crédité de 22,10 % des suffrages.

À Kaédi, dans le sud, des protestations massives, marquées par une euphorie populaire, ont été violemment réprimées. Le bilan est lourd : au moins six morts selon des sources locales, trois selon le ministère de l’Intérieur, et des centaines d’arrestations, ciblant notamment des jeunes. 

Coupure d’internet et paralysie numérique

Dans la nuit du 2 juillet 2024, les autorités mauritaniennes ordonnent une coupure de l’internet mobile sur tout le territoire, sans fournir d’explication officielle. Cette interruption a duré 23 jours, provoquant une désorganisation généralisée dans le secteur numérique. 

Une décision qualifiée à l’époque de mesure de « censure numérique », dans un pays déjà marqué en 2019 par une répression similaire après l’élection de Ghazouani, entachée, elle aussi, de contestation.

Biram, l’opposant inflexible

Un an après, Biram Dah Abeid ne reconnaît toujours pas la légitimité du président en exercice. Il continue de dénoncer une « mascarade électorale » et un chantage politique, affirmant que le ministère de l’Intérieur aurait conditionné la reconnaissance de son parti à son acceptation des résultats et à une rupture avec Samba Thiam, président des Forces Progressistes du Changement (FPC).

Ancien prisonnier politique, défenseur des droits humains et président de l'Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), Biram reste en retrait du dialogue politique national, en préparation actuellement, et refuse de participer à ce qu’il considère comme une “manœuvre cosmétique” destinée à légitimer un pouvoir illégitime.

Dialogue national en préparation, mais sans l’opposition majeure

Le Coordinateur du dialogue, Moussa Fall, a indiqué que les concertations devraient débuter dans les semaines à venir, avec l’objectif de rassembler les forces politiques représentées au Parlementautour de solutions aux crises économiques, sociales et institutionnelles.

Mais l’absence de figures clés, à commencer par Biram Dah Abeid, menace de saper la crédibilité de ce processus. Son mouvement, l'IRA, dénonce par ailleurs des arrestations et des intimidations régulières à l’encontre de ses militants, entretenant un climat de répression et de défiance politique.

Une sortie de crise compromise

Un an après la réélection de Ghazouani, les fractures politiques restent béantes. Si certains candidats malheureux ont accepté les résultats, la contestation portée par Biram continue d’alimenter un discours d’opposition radicale, tandis que le pouvoir tente d’imposer un dialogue sans concessions.

Entre méfiance institutionnelle, absence de consensus et pressions politiques, l’avenir politique de la Mauritanie semble toujours suspendu à un équilibre fragile.

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